LFSS pour 2025 : les mesures concernant la pharmacie et les dispositifs médicaux

04.03.2025

Droit public

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 introduit quelques mesures nouvelles concernant la lutte contre les pénuries de produits de santé et le développement de la substitution des médicaments biosimilaires.

Compte tenu du contexte politico-institutionnel, la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2025 contient assez peu de mesures structurelles par rapport aux millésimes précédents. Dans le domaine de la pharmacie et des dispositifs médicaux, les principales dispositions se limitent à lutter contre les pénuries de produits de santé et à encourager la substitution des médicaments biosimilaires ou hybrides.

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

Découvrir tous les contenus liés

Accélération du développement de la substitution officinale des médicaments biosimilaires

Compte tenu des économies potentielles que représente le développement des médicaments biosimilaires pour l’assurance maladie, la LFSS pour 2022 a réintroduit la possibilité, pour les pharmaciens d’officine, de substituer un médicament biosimilaire au médicament biologique prescrit, sous certaines conditions (C. santé publ., art. L. 5125-23-2).

Parmi ces dernières, le médicament biosimilaire doit figurer sur une liste des groupes biologiques similaires substituables établie par un arrêté ministériel, après avis de l’ANSM. Une liste initiale a été publiée par un arrêté du 12 avril 2022 (JO, 14 avr.), comprenant seulement deux groupes biologiques. Cette liste vient d’être remplacée par un arrêté du 20 février 2025 (JO, 27 févr.), qui comporte désormais neuf groupes biologiques similaires.

Dans le but de faciliter l’exercice de la substitution officinale, la LFSS pour 2024 a également modifié l’article L. 5125-23-2 du code de la santé publique pour mettre en place un mécanisme d’autorisation automatique. A défaut d’inscription sur la liste des groupes biosimilaires substituables, deux ans après la publication de l’arrêté portant inscription du premier médicament biosimilaire sur la liste des spécialités remboursables, un arrêté ministériel doit autoriser le pharmacien à délivrer par substitution au médicament biologique de référence un médicament biosimilaire appartenant à ce groupe, sauf avis contraire de l’ANSM.

Le délai de deux ans est ramené à un an par la LFSS pour 2025, qui indique que la délivrance par substitution au médicament biologique de référence d’un médicament biosimilaire appartenant au même groupe, et dont le prix est inférieur, ne doit pas entraîner une dépense supplémentaire pour l’assurance maladie.

Application du plafond dérogatoire de remises commerciales à l’achat des médicaments biosimilaires et hybrides

L’encadrement des remises commerciales consenties par les fournisseurs (exploitants, dépositaires, grossistes-répartiteurs) aux pharmacies d’officine a fait l’objet de nombreuses modifications législatives depuis 1996, date à laquelle a été pérennisé, par la loi n° 96-314 du 12 avril 1996 (« loi Périssol »), un plafonnement des remises et des avantages de toute nature accordés aux pharmaciens et date à laquelle a été modifié le calcul du seuil de revente à perte, par la loi n° 96-588 du 1er juillet 1996 (« loi Galland »), qui a conduit à favoriser les rétrocessions de marge au profit des distributeurs au détail (« marges arrière »).

A la suite de l’introduction d’un droit de substitution officinale par la LFSS pour 1999, les remises commerciales consenties aux pharmaciens ont contribué au développement du marché des médicaments génériques, le plafond de ces remises ayant été spécifiquement relevé pour ces spécialités. A défaut de pouvoir contrôler les marges-arrière des pharmaciens dont l’ampleur n’avait cessé de croître, la LFSS pour 2014 a néanmoins introduit un dispositif de transparence obligeant les fournisseurs des officines en spécialités génériques à déclarer au CEPS les montants totaux, par année civile et par spécialité, des chiffres d’affaires HT réalisés en France, ainsi que les remises et avantages de toute nature, y compris les rémunérations de services prévues dans le cadre d’un accord de coopération commerciale, accordés aux pharmaciens sur les ventes de ces spécialités (CSS, art. L. 138-9-1).

Corrélativement, le plafond légal des remises commerciales portant sur l’achat des médicaments génériques, auparavant fixé à 17 % (à 2,5 % pour les autres spécialités remboursables), a été supprimé, l’article L. 138-9 du code de la sécurité sociale renvoyant au pouvoir règlementaire le soin de fixer, par arrêté, le plafond des remises susceptibles d’être consenties aux pharmaciens sur l’achat des médicaments génériques, dans la limite de 50 % du prix fabricant HT (plafond également applicable aux spécialités de référence dont le prix de vente est identique à celui des autres spécialités du groupe générique auquel elles appartiennent).

Un arrêté du 22 août 2014 (JO, 28 août) a fixé le plafond à 40 % du prix fabricant HT (ou du prix correspondant au tarif forfaitaire de responsabilité), par année civile et par ligne de produits, pour chaque officine (pour les autres spécialités remboursables, le plafond des remises restant fixé à 2,5 % du prix fabricant HT, par année civile et par ligne de produits).

Dans le but de développer le marché des médicaments biosimilaires et hybrides, la LFSS pour 2025 étend ce plafond dérogatoire à l’achat des médicaments hybrides et biosimilaires substituables, y compris les spécialités de référence dont le prix de vente est identique à celui des spécialités hybrides ou biosimilaires (CSS, art. L. 138-9). Parallèlement, elle étend les obligations déclaratives des fournisseurs de spécialités hybrides et biosimilaires substituables, qui sont tenus de télédéclarer chaque année au CEPS, et pour chaque spécialité, les remises, ristournes et avantages commerciaux consentis, ainsi que les chiffres d’affaires HT associés à ces médicaments (CSS, art. L. 138-9-1).

On rappellera aussi que pour ne pas dissuader les pharmaciens d’exercer leur pouvoir de substitution, un arrêté du 5 juillet 2024 (JO, 7 juill.) a égalisé la marge réglementaire officinale portant sur les médicaments biosimilaires et hybrides avec celle des spécialités de référence appartenant au même groupe biologique similaire substituable ou au même groupe hybride substituable.

Renforcement du contrôle de la pertinence des prescriptions coûteuses ou comportant des risques de mésusage

Afin de contrôler la pertinence des prescriptions de certains produits particulièrement coûteux ou comportant un risque de mésusage, la LFSS pour 2018 a introduit la possibilité de conditionner la prise en charge d’un produit de santé, le cas échéant de ses prestations associées, au renseignement sur l’ordonnance par le professionnel d’éléments relatifs aux circonstances et aux indications de la prescription (CSS, art. L. 162-19-1).

La LFSS pour 2024 a prévu que les informations permettant de vérifier la pertinence de ces prescriptions peuvent être exigées sur un formulaire médical distinct de l’ordonnance, accessible le cas échéant par un téléservice lors de l’établissement de la prescription électronique (le formulaire devant être présenté au pharmacien en vue de la prise en charge ou du remboursement du produit).

La LFSS pour 2025 abroge l’article L. 162-19-1 du code de la sécurité sociale à compter du 1er janvier 2026 et lui substitue un nouveau fondement en vue d’étendre son champ d’application (CSS, art. L. 162-1-7-1).

La prise en charge par l’assurance maladie d’un produit de santé et de ses prestations associées, d’un acte inscrit sur la liste des actes et prestations (LAP) ou d’un transport sanitaire pourra être subordonnée, lorsqu’elle est particulièrement coûteuse pour l’assurance maladie ou en cas de risque de mésusage, à la présentation par le patient d’un document, établi par le prescripteur, indiquant (à l’exclusion de toute autre donnée médicale) que celui-ci a préalablement consulté le dossier médical partagé (DMP) du patient ou que sa prescription respecte les indications ouvrant droit au remboursement.

Afin d’établir le document, le prescripteur devra communiquer, en recourant à un téléservice spécifique, des éléments permettant de vérifier s'il a préalablement consulté le DMP du patient ou si sa prescription respecte le cadre des indications ouvrant droit au remboursement, ces renseignements étant transmis au service du contrôle médical.

Actuellement, aucun dispositif médical n’est soumis à cette procédure de contrôle de la pertinence des prescriptions. En revanche, quatre médicaments antidiabétiques (des analogues du GLP1 : Ozempic, Victoza, Trulicity, Byetta) y ont été soumis par des arrêtés du 10 janvier 2025 (JO, 15 janv.), applicables depuis le 1er février.

Conditionnement de la prise en charge de dispositifs médicaux numériques au contrôle de l’observance

La LFSS pour 2017 a prévu la possibilité de recueillir les données d’utilisation de certains dispositifs médicaux numériques. La LFSS pour 2025 ouvre la possibilité de conditionner leur prise en charge à la transmission de ces données à l’assurance maladie, en vue de contrôler l’observance des patients (CSS, art. L. 165-1-3).

Dans le cadre de la mise en œuvre de certains traitements, dont la liste est fixée par arrêté ministériel après avis de la HAS, les distributeurs au détail peuvent recueillir, avec l’accord du patient, les données issues d’un dispositif médical inscrit sur la LPP qu’ils ont mis à la disposition du patient et qui est nécessaire à son traitement, ainsi qu’à l’évaluation de sa pertinence (exemple des dispositifs médicaux à pression positive continue pour le traitement de l’apnée du sommeil).

Ces données peuvent, avec l’accord du patient, être télétransmises au médecin prescripteur, au distributeur au détail et au service du contrôle médical, dans le respect de la loi informatique et libertés. Au regard des données transmises, le prescripteur doit réévaluer de façon régulière la pertinence et l’efficacité de sa prescription. De son côté, le distributeur, en lien avec le prescripteur, engage des actions ayant pour objet de favoriser une bonne utilisation du dispositif.

La prise en charge ou la modulation de la prise en charge peut être subordonnée au respect des conditions d’utilisation prévues par l’arrêté d'inscription sur le LPP. Dans ce cas, le distributeur au détail transmet à l’assurance maladie, avec l’accord du patient, les données permettant d’attester du respect des conditions d’utilisation.

Le non-respect des conditions d’utilisation ne peut entraîner la suspension de la prise en charge que s’il se prolonge au-delà d’une durée (à déterminer par décret), le distributeur au détail et le prescripteur étant informés sans délai de la suspension de la prise en charge.

En cas de refus opposé par le patient à la transmission des données, le dispositif médical ne pourra pas faire l’objet d’une prise en charge ou d’un remboursement. En revanche, le défaut de transmission des données du fait du distributeur n’est pas opposable au patient.

Prise en charge dérogatoire pour les dispositifs médicaux alternatifs utilisés lors d’une rupture d’approvisionnement

La LFSS pour 2025 introduit un financement dérogatoire pour les dispositifs médicaux utilisés en alternative à un dispositif médical en rupture d’approvisionnement (C. santé publ., art. L. 5215-1). Lorsque l’interruption ou la cessation attendue de la fourniture d’un dispositif inscrit sur la LPP est susceptible d’entraîner un préjudice grave ou un risque de préjudice grave pour les patients ou la santé publique (au sens de l’article L. 5211-5-1 du code de la santé publique), les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale peuvent déterminer, par un arrêté pris sur proposition de l’ANSM, les dispositifs médicaux alternatifs et les indications correspondantes, ainsi que les conditions dérogatoires de leur prise en charge par l’assurance maladie.

Si le dispositif médical alternatif n’est pas pris en charge au titre de la LPP et qu’il n’existe aucune autre alternative thérapeutique disponible prise en charge par l’assurance maladie, son exploitant peut bénéficier d’une prise en charge dérogatoire temporaire, dans la limite du tarif de prise en charge du dispositif indisponible, cette prise en charge étant accordée pour une durée maximale d’un an. Dans le cadre de cette prise en charge dérogatoire temporaire, les ministres peuvent modifier les conditions de délivrance, de distribution et de facturation des produits concernés, selon les modalités prévues par le code de la sécurité sociale.

Recours obligatoire au système DP-ruptures concernant la disponibilité des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur

La LFSS pour 2025 officialise le recours au système informatique destiné à partager, entre les acteurs pharmaceutiques et les autorités sanitaires, des informations sur les ruptures d’approvisionnement de médicaments, système connu sous le nom de « DP-ruptures » (dossier pharmaceutique-ruptures).

Le DP-ruptures permet aux pharmaciens d’officine de signaler les ruptures d’approvisionnement par le biais de leur logiciel métier (le cas échéant, par l’intermédiaire d’un site en ligne pour les pharmacies à usage intérieur) à l’exploitant du médicament concerné et à l’ANSM.

Mis en œuvre par le Conseil national de l’ordre des pharmaciens, en application d’une convention signée avec l’Etat, la CNAM et l’ANSM, et dans des conditions précisées par voie réglementaire, le renseignement du DP-ruptures concernant la disponibilité des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur devient obligatoire pour les pharmacies d’officine et les établissements pharmaceutiques.

Le manquement à cette obligation de renseignement est susceptible de faire l’objet d’une sanction financière de la part de l’autorité administrative compétente, l’ARS pour les pharmacies d’officine et l’ANSM pour les établissements pharmaceutiques (C. santé publ., art. L. 5424-3 et L. 5423-9), les montants des sanctions étant versés à la CNAM (C. santé publ., art. L. 1435-7-1 et L. 5312-4-1).

Aggravation des sanctions prononcées par l’ANSM et extension des mesures aux cas de risque de rupture de stock ou d’approvisionnement

Si on laisse de côté les adaptations mineures concernant les mesures renvoyées au pouvoir réglementaire pour lutter contre les pénuries de médicaments, trois dispositions méritent d’être mentionnées.

Le plafond des sanctions financières que la directrice générale de l’ANSM peut prononcer, notamment en cas de manquement aux règles sur les ruptures d’approvisionnement des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur, est relevé. Il est désormais porté, pour les personnes morales, à 50 % du chiffre d’affaires, dans une limite de cinq millions d’euros (C. santé publ., art. L. 5471-1). On rappellera que le dispositif procédural des sanctions a été contesté, sans succès, devant le juge administratif (TA Paris, 18 oct. 2024, n° 2301862).

S’agissant des solutions alternatives susceptibles d’être mises en œuvre par l’ANSM, il faut signaler que la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 a introduit une faculté de substitution officinale en cas de rupture de stock d’un médicament d’intérêt thérapeutique majeur. Dans ce cas, le pharmacien peut remplacer le médicament prescrit par un autre médicament, le cas échéant une préparation magistrale, conformément à une recommandation établie par l’agence.

Une telle possibilité a été utilisée récemment pour des spécialités antipsychotiques à base de quétiapine, dont le remplacement par des préparations magistrales réalisées conformément à une monographie publiée par l’ANSM a fait l’objet d’une recommandation de la directrice de l’agence du 13 février 2025.

La LFSS pour 2025 étend cette possibilité à tous les médicaments d’intérêt thérapeutique majeur figurant sur la liste établie par l’ANSM en application de l’article L. 5121-30 du code de la santé publique, ce qui inclut non seulement les médicaments pour lesquels une rupture de stock est mise en évidence ou a été déclarée à l’agence, mais également les médicaments pour lesquels un risque de rupture de stock a été identifié.

Dans le même registre, la loi étend le recours à l’ordonnance de dispensation conditionnelle en cas de rupture d’approvisionnement de certains médicaments, rendu obligatoire par arrêté ministériel, aux cas de risque de rupture d’approvisionnement et aux situations dans lesquelles il apparaît nécessaire de préserver la disponibilité de médicaments dont la demande fait l’objet de variations saisonnières (C. santé publ., art. L. 5121-33-1).

Jérôme Peigné, Professeur à l'Université Paris Cité (Institut Droit et santé)
Vous aimerez aussi

Nos engagements